Cette journée n'avait pas été des meilleures pour moi, et je devinai rapidement que j'avais grand besoin de me détendre un peu. Malgré le ciel qui se présentait à moi comme lourd et menaçant, j'accordai à mon esprit une petite pause, et me retrouvai à errer dans les ruelles de Salem. Ces petites rues sombres étaient, contre toute attente, des lieux de parfaite tranquillité. En effet, les trouillards de la ville n'y mettaient jamais les pieds. Il fallait dire que cet endroit n'était pas des plus accueillants, et l'on pouvait y trouver un tas de personnes louches à coup sûr. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, les ruelles semblaient désertes. A quelques mètre de là, j'aperçus un amas de caissettes en bois dans un renfoncement. Je me dirigeai vers ceux-ci afin de m'y hisser et de m'y asseoir, assez nonchalamment. Les yeux rivés vers l'entrée de la ruelle, je sortis une cigarette de ma poche avant de la porter délicatement à mes lèvres et de l'allumer. Un silence lourd et inquiétant comment à peser sur mon esprit et, sans m'en rendre compte, je jetai des regards furtifs de part et d'autre de la rue. J'étais à peine capable de déterminer si c'était de l'angoisse ou de l’excitation. A vrai dire, les endroits sombres et retirées comme ici étaient idéals pour coincer des victimes, et c'était probablement la raison pour laquelle j'adorais me traîner par ici. J'avais toujours eu cette attraction particulière pour la violence. Pas forcément par envie de faire le mal, mais plutôt par véritable attrait. Pour moi, c'était de la rigolade, un moyen parfait pour décompresser. Je pouvais admettre que les milliers de victimes ue j'avais à mon actifs n'en pensaient probablement pas la même chose... mais je m'en contre-fichais. Peut-être avais-je une grande part d'égoïsme en moi. Quoi qu'il en soit, je commençais à être apaisée. Je tirai une taffe de ma cigarette et fermai instinctivement les yeux. Je me sentais relativement bien. Relaxée, en fait. Les nuages éclatèrent alors uns à uns, laissant place à une violente averse. De lourdes gouttes de pluie se mirent à ruisseler sur mon visage, mais je ne m'en préoccupai pas. J'avais presque oublié cette mauvaise journée, lorsque j'entendis des pas couiner dans la boue et se hâter vers le renfoncement dans lequel je me trouvais. Machinalement, je laissai échapper un soupir d'agacement significatif, mais n'ouvrit pas les yeux pour autant. Peut-être allait-elle faire demi-tour sans rechigner en voyant qu'il y avait déjà quelqu'un ici.

D'un naturel plutôt énergique, il était rare que j'aie du temps pour me reposer. Comme quoi, cette averse était tombée à pic, puisqu'en voulant me réfugier dans une ruelle pour me protéger de la pluie qui tombait à seau, je trouvai un coin calme et tranquille qui me convenait très bien, au final. Levant lourdement les yeux vers le ciel sombre et davantage menaçant, je pus rapidement constater que le déluge n'allait pas cesser de si tôt, mais qu'importait ? Je me surpris même à lâcher un léger sourire alors que je m'imaginais rester là, pendant quelques heures encore. L'idée de rester coincée là devenait davantage plaisante, chaque seconde de plus qui passait. La boule de nerfs que j'étais était soudain apaisée, comme jamais elle ne l'avait été auparavant. De là où j'étais perchée, au fond de la ruelle, je pouvais voir les gens se hâter, à la recherche d'un endroit sous lequel s'abriter en attendant que le temps soit plus clément. Je ne distinguais que de vague silhouettes, mais leurs allures étaient telles que j'avais l'étrange impression d'être prise au piège dans une fourmilière. A cette idée, j'esquissai un sourire qui ne tarda plus à se transformer en un léger rire sarcastique. Ces humains étaient vraiment drôle malgré eux, de par leur pathétisme clairement visible. D'ailleurs, je devais bien avouer qu'à mes heures perdues, j'aimais me fondre dans la masse, et agir comme eux. Toutefois, j'appréciais ce "jeu" plutôt à court terme, car leur trop plein d'émotions me mettait hors de moi. ça me faisait flipper, en fait. Et je détestait ça. Développer et dévoiler des sentiments n'avait jamais été ma tasse de thé, et je préférais me tenir à l'écart de cette habitude malsaine qu'avait les humains. Je tirais une taffe de ma cigarette tandis que je pensais à tout ce monde qui se trouvait autour de moi. Néanmoins, je fus tirée de mes pensées a l'entente de talons qui claquaient frénétiquement sur le sol, et qui se dirigeaient visiblement vers moi. Agacée, je décidai d'inspirer un grand coup, sans ouvrir les yeux pour autant. Les humains et leur éternelle politesse avaient l'habitude de toujours faire demi-tour pour ne pas déranger. Néanmoins, la personne qui se dirigeait vers moi semblait être l'exception qui confirme la règle, puisque j'entendis le tintamarre de ses talons se stopper net, à quelques mètres de moi. Espérant que mes sens me jouaient des tours, mes yeux restaient clos, jusqu'à ce que la demoiselle présente m'adresse la parole, d'une façon plutôt violente et impolie. En effet, après qu'elle se soit plaint de ma présence qui n'était visiblement pas des plus appréciées, je daignai enfin ouvrir les yeux. Une jeune femme a la silhouette grande et fine se tenait devant moi, une crinière blonde tombant gracieusement sur ses épaules. Son visage angélique me rappelait vaguement quelqu'un, en effet, mais il m'était impossible de me le remémorer clairement. "et... tu es ?", me contentai-je de lâcher en lui adressant un regard dédaigneux. Il était clair que je connaissais pas mal de gens par ici, et qu'elle faisait probablement partie de ces gens-là. Toutefois, son identité ne me revenait pas.

Si j'avais l'intention de profiter de cet instant de solitude pour me ressourcer, il était clair que c'était maintenant compromis. En effet, une jeune femme était venue se réfugier dans la même ruelle que moi, anéantissant tout espoir de me retrouver enfin seule. Tout d'abord, je préférai ignorer la personne en question, espérant qu peut-être, cette dernière se rendrait compte qu'elle gênait. Paupières closes, j'ignorais sa présence du mieux que je pouvais. Cependant, la jeune femme ne semblait pas être du même avis que moi, et ne se gêna pas pour m'interpeler, et ce, d'une manière peu flatteuse, qui plus est. Après avoir laissé échapper un soupir qui en disait long sur son appréciation face à cette situation, elle me signifia son mécontentement en me faisant remarquer qu'avec tous les endroit qu'il y avait dans ce monde, il fallait qu'elle tombe là où j'étais. Sa rétorque était d'ailleurs tout à fait juste, et j'en était tout aussi agacée. Aussi, je daignai enfin ouvrir les yeux afin de découvrir mon interlocutrice. Toutefois, avec tous les ennemis que j'avais pu me faire dans ma vie, j'eus beau réfléchir aussi intensément que je le pouvais, je ne la reconnus pas le moins du monde. Avec un manque de délicatesse certain, je lui signifiai mon ignorance d'un "tu es ?". Aussitôt, la jolie blonde se présenta à moi comme étant Neela, la cousine de Tamara. Je compris alors immédiatement de quoi il s'agissait. En effet, j'avais eu vent de la situation, et il s'avérait que la puissante Lilith, descendante de Lucifer, avait pris possession du corps de la jeune fille en question. Tandis que je reconstituait cette histoire dans ma tête, la jeune femme poursuivait en me blâmant de diverses choses, notamment d'être responsable du nouveau comportement de sa cousine. Il était clair que je n'étais pas le genre de fille qui avait une bonne influence sur les gens, mais dans le cas présent, c'était bel et bien Lilith qui menait la danse. J'étais plus ou moins son bras droit, mais n'avais en aucun cas un quelconque pouvoir sur les actes de cette dernière. C'était définitivement elle qui tirait les ficelles. Moi, je me contentais de jouer le jeu, en usant de mes qualités de démon. Toutefois, Neela ne semblait pas être réellement au courant de l'affaire Tamara/Lilith. Quoi qu'il en soit, je me contentai de hocher la tête, en attendant qu'elle finisse de se plaindre de moi, mais elle n'en avait visiblement pas terminé. En effet, mon interlocutrice continua en m'avouant qu'elle ne connaissait même pas mon nom, puis surenchérit en déclarant qu'elle n'appréciait pas du tout la relation que j'entretenais avec sa cousine. J'esquissai un léger sourire en soin avant de tirer une nouvelle taffe de ma cigarette. "moi, c'est Heavy", dis-je dans un premier temps afin de répondre à sa question. "mais, ce qui est dommage ma jolie, c'est que ton avis, j'm'en fiche pas mal", conclus-je en laissant échapper un rire plein de sarcasme, avant de la regarder droit dans les yeux, avec une provocation affichée.

Je pouvais lire dans le regard de la jolie blonde qui me faisait face toute la rancœur qu'elle éprouvait pour moi. Ses yeux bleus semblaient me lancer des éclairs à chacune de mes paroles. Mais je devais bien admettre que je ne m'étais pas embarrassée de politesse tandis que mon exubérance, elle, avait pris le dessus. C'était plus fort que moi. Je pouvais sentir tout ce surplus de bonté qu'elle avait en elle, et ça avait le don de m'exaspérer. Quoi qu'il en soit, mon interlocutrice ne se fit pas attendre pour me bombarder de reproches et je compris très vite que la relation que j’entretenais avec sa cousine était, en quelque sorte, la source du problème. Implicitement, la belle blonde me soupçonnait d'avoir une influence néfaste sur Tamara, que je connaissais plus particulièrement sous le nom de Lilith. Or, ce qu'elle ignorait, c'était que, bien que je ne soit pas le genre de fille à se faire mener par le bout du nez, c'était bien cette dernière qui menait la danse. Toutefois, je préférais taire une quelconque remarque quant à cette situation. En effet, le fait que Neela me prenne pour la méchante pouvait jouer en ma faveur et, après tout, je n'étais pas toute blanche dans cette histoire. Après avoir échangé deux ou trois mots, la jeune femme me fis remarquer, entre deux reproches, qu'elle ne connaissait même pas mon nom. Sans attendre, je satisfis sa curiosité en me présentant à mon interlocutrice. Quelques secondes de silence interrompirent notre discussion. La blonde sembla réfléchir quelques instants avant de me faire part de ses doutes. En effet, plutôt maligne, et pourvue d'un instinct relativement développé, la demoiselle me confia implicitement qu'elle trouvait mon nom plutôt étrange pour une simple humaine. Je savais par Tamara que la jeune femme qui me faisait face était une sorcière. Par conséquent, je ne pourrais pas lui cacher longtemps mon identité de démon. Toutefois, afin de ne pas me vendre davantage et laisser planer le doute, je me contentais de laisser échapper un rire moqueur avant tirer une dernière taffe de ma cigarette. Par la suite, mon regard noir et dur se planta machinalement dans ses yeux bleus. Le regard rivé sur elle, je descendit nonchalamment de le caisse sur laquelle je me trouvais, pour finalement me retrouver debout devant mon interlocutrice. Un sourire provoquant sur les lèvres, je ne quittais pas son regard tandis que je balançait violemment mon mégot de cigarette au sol. "Que veux-tu que je te dise ?", la questionnai-je en laissant échapper un rire aussi bref que mesquin. Quoi qu'il en soit, mes propos n'arrêtèrent en aucun cas Neela, qui poursuivait son discours. Au bout de quelques minutes, ses innombrables plaintes me firent sortir de mes gonds, et je l'empêchai de poursuivre ses propos, lui déclarant, non sans une pointe de sarcasme, que je me fichais totalement de son avis quant à la relation que j'entretenais avec sa pseudo cousine. Mes propos ne lui plurent pas du tout, et la jolie blonde sauta une nouvelle fois sur l'occasion pour me lancer une rétorque pleine de sarcasme. En effet, elle m'avoua qu'elle avait cerné le type de fille que j'étais, ce genre de fille qui se fiche totalement de ce qui peut arriver aux autres. Et ce n'était pas du tout faux, je n'allais pas le nier. J'arquai machinalement les sourcils à sa remarque. "Perspicace", avouai-je en lui adressant un sourire hypocrite. "Belle et intelligente... Tu marquerais presque des points si tu n'étais pas si... bisounours", conlus-je en lâchant un rire moqueur.