D'ombres et de vices (ft Styx)

Affaissé sur l'une des pierres tombales qui jonchaient le sol, le démon n'avait pas trouvé mieux à faire que de se rendre dans cet endroit incongru où seules les légendes vivaient. De nuit, il n'était même plus possible d'y accéder sans avoir la fibre démoniaque dans les veines, et si ce n'était pas le cas, frères et soeurs de la géhenne se chargeront de vous infecter. Les croatoans étaient, à ses yeux, des bêtes dociles qu'il valait mieux ménager avant de pouvoir réellement les utiliser à leur fins propres. Les ordres du patron étaient pourtant bien clairs, et la plupart des déchus s'unissaient afin de proliférer leur vice jusqu'à plus soif. Si le jour le général des armées infernales était convié aux rendez-vous entre seigneuries de l'Enfer, une fois l'obscurité avalant la ville de Sioux Falls, les âmes tourmentées reprennent les terres qui leur appartiennent, avides de nouvelles expériences tordues et sinistres.

La plupart des nouveaux arrivants du cimetière préféraient se regrouper, par-ci par-là, sans doute une forme de prévention instinctive des potentiels dangers qui pouvaient rôder ici. Des dangers sans noms ni visages, qui n'avaient le droit qu'à une seule et unique bénédiction : la marque de la mort.

Il n'y a personne à corriger pour le moment, seulement attendre sous cette pluie d'étoiles qui méritaient d'être effacées à coup de balais de chiottes. A croire que leur Dieu n'avait pas le goût de la propreté. Non, il préférait laisser des lucioles affriolantes au dessus des nuages. Là-bas, en Enfer, ses ailes lui auraient permit de se hisser jusqu'à elles et de les décrocher, jusqu'à leur destruction définitive. Malheureusement il était privé de tous ces privilèges dont il était amputé sur Terre. Il n'y avait pourtant pas meilleur terrain de jeux...

Des bruits de pas, glissants presque sur les graviers, et ce dans son dos. Il ne bouge pas et continue à s'arracher à la contemplation du tableau stellaire. Jusqu'à ce que cette odeur de femelle lui monte aux narines. Il fallait se montrer un minimum courtois avec les femmes...du moins, c'était ce que disais Bélial, qui n'en avait pas fini de les faire chanter...

- Qui es-tu, femme ?

Même si, entre nous, des présentations se feraient de préférence face à face...

D'ombre et de vices.

▽ Lorsque les créatures de la nuit attisent leurs sens.

La nuit tombée sur le morbide cimetière avait omis d'éclairer une mine pâle près d'une tombe quelque peu à l'écart. Une mine discrète, celle d'une femme aux yeux aussi sombres que les ténèbres qui couvrait son cœur. Au delà de son apparence d'ex-humaine, ses yeux reflétaient la cruauté de son âme. Allongé sur l'une des pierres tombales, les cheveux dans son dos, la démone aux cheveux blonds profitait du lugubre de la nuit. Le marbre aurait dû lui glacer le sang, mais voilà des siècles qu'elle ne le ressentait plus. Son regard croisa celui des cupides étoiles, dans un silence de mort et du bout de ses ongles souillés par le sang, elle frôla les volumes fins de ses cicatrices sur le cuisses. Comme à son habitude, elle s'était habillée très légèrement, d'une simple jupe courte et d'un t-shirt au décolleté provoquant. Les cheveux libérés, un maquillage parfait, des lèvres pulpeuses et un gant en cuire à la main droite. Styx soignait son apparence.

Cependant, un mouvement provenant de non loin la fit réagir, elle sentit les muscles de son corps se tendre en entendant ce glissement de pas. Tirée de son repos. La clarté de la lune formant un cercle lumineux au milieu des tombes, et Styx vit une ombre traverser cette lumière. Elle plissa les yeux pour la distinguer et huma l'air, sentant une odeur qu'elle reconnue de suite : une odeur masculine. Elle s'avança dans le dos de l'inconnu.

« Qui es-tu, femme ? »

La voix était d'une tonalité grave, sèche, neutre. Mais Styx ne se contenta que de cela, s'approchant encore pour en une seconde, apparaitre devant lui, haute sur ses immenses talons qui ne l'auraient en rien empêcher d'attraper une quelconque proie. Elle aussi désormais était éclairée par la Lune, révélant une peau d'une pâleur semblable à la sphère de la nuit. Droite devant l'inconnu, dont elle devina le statut de démon, ses lèvres arrachèrent un sourire. Elle contempla les yeux blancs de l'homme des siens.

« Mon nom est Styx, beau démon. »

Drôle de façon de s'adresser à un démon de rang supérieur, mais au moins avait-elle fait l'effort de lui répondre. En effet, Styx ne tenait que très peu à sa vie, aussi prenait-elle des risques insensés comme ceux de se faire briser par un démon de rang supérieur. Mais elle aimait ça, jouer avec le feu et ce qui la rendait unique. Un jour devinait-elle que le feu prendrait et que s'en serait finit de sa vie de folle, mais c'est ce qui rendait le jeu encore plus amusant. Elle croisa les bras sur sa poitrine très peu dissimulée et le regarda à nouveau.

« Et vous je devine que vous êtes Baal. » Ce n'était guère une question, elle le savait déjà. Des yeux aussi parfaits ne pouvaient appartenir qu'a la race supérieure, pas à ces stupides humains. « Autrefois j'aurai rêvé de servir sous vos ordres. » Auparavant avait-elle éprouvée de l'admiration pour les démons surélevés. Quoique le mot était mal choisit pour les créatures des ténèbres.

▲ BAAL & STYX

(c) AMIANTE